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le Dieu qui venait de descendre et de s’abîmer dans son cœur.

Ce fut quelque chose de semblable à ce qui a lieu quand le soleil se retire du nuage qu’il a pénétré de son fluide de feu. Vidée des rayons qui l’imbibaient, la nue reprend sa blancheur opaque. Telle Calixte reprit la sienne. Ses longues paupières se déplièrent sur les globes de ses yeux disparus. Priait-elle ?… Était-elle concentrée dans le point de son être où elle sentait physiquement son Dieu ? L’Extase, cette tension surhumaine, n’était-elle plus qu’intérieure ? La jeune fille était immobile et inerte. Tous, ils se taisaient autour d’elle…

Les deux vieillards, stupéfiés de ce qu’ils avaient vu, s’étaient rassis aux angles de la cheminée. L’enfant de chœur avait éteint les cierges, la nuit se faisait au dehors. Le vent gémissait sur l’étang… Bernardine et Néel, agenouillés des deux côtés du lit de Calixte, lui tenaient chacun une de ses belles mains mortes, de façon qu’elle semblait être en croix sur ce grand lit vert…

L’abbé priait debout au pied. Il priait pour qu’elle n’eût pas une de ses crises… « Si elle n’a plus que quelques heures à vivre, — pensait-il, — au moins qu’elle les passe avec nous ! Pendant ses crises, elle est absente ; l’âme, la vraie personne, ne se voit plus. » Dieu enten-