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passion, il n’y eut plus là de jeune fille expirante, mais un être humain que la Sainteté divinisait.

Le visage de Calixte devint positivement céleste. Ses yeux agrandis jetèrent une lumière inconnue. Ses cheveux rayonnèrent comme une auréole. La croix de son front étincela, et sa pâleur, diaphane comme l’éther, et comme si son âme, de par dedans, l’avait éclairée, transsuda de vagues effluves d’or… Son corps fulgura tout entier… vision prodigieuse ! qui ne pouvait durer et qui changea pour un instant les conditions ordinaires du corps, de la lumière et de l’espace ! Bernard de Lieusaint et le vicomte de Néhou virent alors (ont-ils affirmé) ce qu’ils avaient entendu dire, presque sans le croire, de quelques Saints.

Calixte, attirée par l’aimant divin de l’Eucharistie, parut se soulever horizontalement de son lit, et, sous la traction de l’amour s’en venir vers l’hostie… Ce ne fut qu’un instant, un éclair !… Dès que l’hostie eut touché ses lèvres, elle retomba sur son lit comme une chose dissoute. L’éclat de cette beauté, d’un flamboiement surnaturel, que l’âme avait jetée à travers le corps, en allant au-devant de son Dieu, sembla se retirer comme l’eau se retire, et rentrer avec l’âme et sa proie divine, et s’absorber en cette fille pâle et s’y abîmer, comme