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bague, elle en fit une espèce d’alliance que Néel, en l’enviant, passa au doigt de Bernardine. La circonstance était exceptionnelle, tout fut exceptionnel comme elle. On eût dit un mariage de ces temps peu éloignés encore où l’on se mariait en toute hâte et en cachette entre la persécution et l’échafaud.

Bernardine était montée en char-à-bancs avec la robe de taffetas gris qu’elle portait et dans laquelle l’abbé Méautis l’avait trouvée quand il était venu chercher les habitants de la tourelle de Néhou. Elle n’avait pris que le temps de jeter sur cette robe une pelisse. Ainsi vêtue pendant qu’on les bénissait, elle avait plutôt l’air d’une veuve que d’une jeune fille ; et les superstitieux, qui sont parfois les intuitifs, en auraient tiré un présage.

Spectacle étrange et imposant que ces fiançailles devant la mort, mais qui fut surpassé par la communion de Calixte ! Broyée de ces douleurs inouïes, familières aux grandes extatiques, Calixte, si étonnante déjà, devint pour le vicomte et son compère ce qu’ils n’avaient jamais vu et ce que, jusqu’à leur mort, venue longtemps après, ils ne cessèrent de revoir, quand, par hasard, ils fermaient les yeux… À l’approche de l’hostie, dans laquelle peut-être elle apercevait, comme sainte Thérèse, Jésus-Christ sous la forme visible et saignante de sa