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ami après mon père ! ô mon frère d’élection ! vous ne feriez donc pas ce que vous demanderait votre sœur, votre Calixte qui va mourir !

La musique de cette voix où la séduction de la femme se mêlait au charme sans égal de la sainte tordait les nerfs de Néel, — et la volupté d’avoir cette main magnétique sur les cheveux apaisait la tempête de son âme, comme la main du Christ, étendue, apaisait les flots soulevés du lac où ses disciples croyaient périr !

— Ah ! dit-il, attendri et enivré en même temps, ne suis-je pas à vous, Calixte ? Mais vous le savez, si vous mourez… je dois mourir !

— Non ! répondit-elle, il faut que vous viviez… Je le veux. Nous avons eu tort d’écouter la Malgaigne et de croire à ses superstitions. Nous étions des enfants. L’Église défend ces choses… N’est-ce pas, monsieur le curé ?… Vous vivrez donc, Néel, pour faire ma volonté et celle de votre père, qui n’a que vous, et qui vous a fiancé à une noble fille qui vous aime…

Il releva la tête sous la main toute-puissante, comme un cheval de race qui aurait secoué sa gourmette.

— Vous vivrez enfin pour mon père aussi, à moi… continua-t-elle, pour mon père qui n’aura que vous, quand je serai morte. Le Sauveur,