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sous leurs abat-jour, des fioles débouchées, des linges étendus au dos des meubles, un bougeoir allumé derrière une porte, une cuvette séchaient quelques palettes d’un sang noir, voilà tout d’abord ce qu’on apercevait dans ce salon où pesait cet air fiévreux, très perceptible pour Néel, qui avait, tout le jour, respiré l’air salin du voisinage de la mer.

L’abbé, qui vint à Néel dès qu’il le vit lever la portière, lui conta à voix basse que Calixte n’était pas malade de ses crises, mais d’une maladie dont le siège était au cerveau, et sur l’essence de laquelle les médecins n’étaient pas d’accord. Connaissant l’amour de Néel pour Calixte et la fougue de son caractère, le prudent curé ne lui parla pas, cette nuit-là, de la cause du mal de Calixte : il ne la lui dit que le lendemain.

À cette nouvelle, Néel bondit comme un jaguar sur le prêtre.

— Bourreau de Calixte ! s’écria-t-il.

Et il eut l’idée de le jeter par la fenêtre dans l’étang qui était au-dessous.

— Vous pouvez faire de moi ce que vous voudrez, — dit l’abbé qui n’opposa aucune résistance, qui ne se débattit même pas sous l’étreinte forcenée du jeune insensé, devenu féroce ; — je suis entre vos mains, monsieur, et je comprends votre colère. Hélas ! oui, c’est