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temps le plus gras et le plus verdoyant des herbages. Le vent, il est vrai, — un fort vent qui venait de la côte, — car la côte est partout par là, et nous sommes presque des insulaires — séchait les chemins et ridait fougueusement, à mille plis, les mares qu’il n’avait pu sécher… Or, ce vent, qui prenait Néel en plein visage, s’engouffrait dans son manteau et tordait la crinière de son cheval, était, avec le défoncement et le glissant des chemins, une résistance de plus qu’il avait à vaincre. Il n’avançait pas comme il l’aurait voulu, et c’étaient les flancs du pauvre Foudre qui payaient tout cela.

Ah ! c’est sur le flanc de nos chevaux que nous écrivons, en caractères de sang, l’empressement que nous avons de vous revoir, ô vous que nous aimons et dont le destin est de faire saigner toujours quelque chose ! La rafale continue était un obstacle qui retardait Néel. En marchant contre elle, il sentait la résistance d’un mur qu’il fallait percer. Cette ventée qui n’emportait ni poussière ni feuillage, car il n’en restait ni aux chemins ni aux haies, et qui faisait fermer les portes, d’ordinaire ouvertes, aux rares maisons accroupies au bord de la route, avec leurs murs d’argile effondrés et leurs toits de paille, verts de mousse ; ce ciel bas, d’un gris de plomb sillonné de grandes nuées noires, que l’ouragan pelotonnait et em-