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tenait lieu de l’habitude du monde à cette jeune fille de la Solitude. Pendant qu’elle répondait à monsieur de Lieusaint, Néel regardait Bernardine qu’il n’avait pas vue depuis longtemps et qui, comme toujours, dévisageait Calixte, de ses yeux naïvement jaloux.

Ah ! ce n’était plus la rose et ambroisienne Bernardine ! Jean Bellet avait eu raison. Il semblait qu’elle eût les pâles couleurs. Son éclat de fraîcheur sans égale, dans ce pays où les femmes ont la fraîcheur de la fleur de leurs pommiers, s’était évanoui. Le visage, autrefois si bonnement souriant, était devenu cruellement sérieux.

Fille sans mère, élevée à la campagne par un père homme d’action dès sa jeunesse, cette grande et forte Bernardine, malgré sa fraîcheur de rose ouverte, avait toujours paru moins délicate et moins jeune fille que les autres jeunes filles des châteaux environnants, qui avaient grandi dans la robe de leurs mères, mais aujourd’hui un sentiment blessé la replaçait à leur niveau.

Dans l’ennui de ne pas avoir un fils à qui les apprendre, son père, ce vieux soldat de Lieusaint, lui avait enseigné ces exercices de corps inconnus aux femmes de ce temps-là, qui n’avait pas comme le nôtre de ces ridicules gymnases auxquels nous devrons prochaine-