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au Quesnay : et d’ailleurs il avait avec les femmes la politesse, maintenant perdue, des gentilshommes d’autrefois.

Néel, de son côté, ne pouvait pas non plus sans faiblesse éviter l’ami de son père. Ç’aurait été avouer des torts qu’au fond de sa conscience il sentait bien qu’il n’avait pas. Position délicate pour lui, — pour monsieur de Lieusaint, — pour Bernardine, — pour Calixte elle-même, pour ces quatre personnes placées, comme elles l’étaient alors, les unes vis-à-vis des autres, dans cet angle de paysage et dans la vie ! Monsieur de Lieusaint, qui vit sa fille pâlir, lui prit le bras, l’appuya sur le sien :

— Remets-toi, lui dit-il, ma Bernardine. Sois courageuse ! Il n’y a pas moyen de les éviter.

Calixte, au même instant, disait à Néel : « C’est monsieur de Lieusaint et sa fille. Ils nous ont vus. C’est à vous d’aller au-devant d’eux. »

Il y alla. Il salua, non sans embarras, Bernardine et son père, qui l’accueillit avec sa familiarité accoutumée, mais qui ne lui prit pas la main. Il est vrai que cette main, couverte d’un gant de chamois, soutenait le poignet tremblant de sa fille dont le bras était passé sous le sien. De l’autre, il tenait horizontalement son fusil à deux coups, au niveau de son jarret, guêtré de cuir.