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de Calixte, et à qui, depuis cette prédiction, il parlait toujours quand il la rencontrait. Maintenant, il ne lui parlait plus. Il l’évitait quand il l’apercevait de loin sur les routes. Il se souvenait du soir où il l’avait trouvée, assise au perron du Quesnay, et où elle lui avait dit… ce qu’elle voulait qu’il dît à Calixte.

L’exaltation de la vieille sibylle, qui chaque jour s’exaltait davantage, portait sur les nerfs de Néel d’autant plus qu’il sentait qu’elle avait raison… Ce qu’il n’avait pas voulu dire à Calixte, elle pouvait le dire, elle ! si elle la rencontrait avec lui dans ces campagnes. C’était là un autre et incessant sujet d’inquiétude. Lorsqu’il passait avec Calixte le long des haies dépouillées par l’automne, — car l’automne était venu depuis le départ de Sombreval, — il regardait toujours par-dessus avec anxiété… et il n’arrivait jamais au tournant d’un sentier, à une brèche, sans avoir peur de voir, tout à coup, se dresser devant lui, comme un fantôme de jour, la taille droite de la grande fileuse !

En somme, il n’avait jamais été plus malheureux, le pauvre Néel ! L’espérance, conçue un moment, de voir Calixte renoncer à son vœu, était évanouie. Elle ne l’aimait pas plus qu’elle ne l’avait jamais aimé, quoiqu’elle n’eût plus au cœur le chagrin qu’y mettait son père ; et lui l’aimait toujours davantage et d’un