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pas une idée suffisante de cette volontaire et permanente injure faite à Dieu, le Père des pères. Eh bien ! cet inexprimable outrage, dont l’abbé Méautis avait repoussé la pensée quand la Malgaigne, cette créature aux avertissements mystérieux, la lui avait suggérée, il y croyait maintenant. Il y croyait ! Il n’avait plus besoin du docteur Marmion ni de personne pour faire lire Calixte dans l’âme de son père. Il y avait lu à la clarté de la formidable vision qu’elle lui avait pour ainsi dire répercutée. Imagination qui corporisait tout parce qu’il était poète et mystique, il n’aurait pas cru davantage à la croix saignante, quand il l’aurait vue, de ses yeux, saigner !

Il ne pouvait donc pas oublier, comme Néel, le rêve de Calixte en la voyant rentrer dans la vie, le bonheur, l’illusion sur son père. En la regardant, il ne pouvait pas s’enivrer. Seulement, tendre comme il était et s’expliquant tout par la bonté de Dieu, il disait que, si Calixte n’avait pas gardé la mémoire de la vision dont elle avait eu la conscience et le cabrement, sous ses yeux, c’est que Dieu voulait épargner la sainte enfant et lui donner à lui, son prêtre, l’occasion d’accomplir le devoir de la charité envers elle. « C’est à moi, se disait-il, d’empêcher le crime, à force de paternité, de ce père ; et pour cela, il n’est qu’un