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qui sait ?… peut-être bien des fois dans la maison ou au dehors, pieds nus, selon la règle de son Ordre, cette Carmélite cachée, appuyant sans doute sur le talon de ses pauvres pieds nus pour que son père la crût chaussée.

L’abbé fut touché autant que Néel. — Ah ! dit-il, Dieu un jour y mettra ses stigmates !

— Pauvre père ! pauvre père ! — reprit-elle, en se levant debout. Et elle s’avança dans l’appartement, la tête basse. — Oh ! comme son cœur souffrait quand il m’a quittée ! Et moi donc !… Ah ! moi, si je lui avais montré le mien, il ne serait pas parti. Il a fallu le cacher comme mes pieds… Il faut tout cacher dans la vie, ajouta-t-elle avec une profondeur exaltée, qui envoya une folie d’espérance au cœur de Néel.

— Mais celui qui voit tout l’a vu, lui, et il a soufflé sur mes larmes !

— … Voilà qu’il est huit heures ? fit-elle, comme si le timbre vibrant de la pendule, qui sonna, eût passé à travers sa stupeur et eût été perçu par elle. Pauvre père ! que fait-il maintenant ? Nul ange du ciel ne viendra me le dire ce soir. Il faut être si sainte pour que les Anges viennent à vous ! Prie-t-il pour moi ? C’est l’heure où l’on prie. Voilà l’Angelus qui sonne à Monroc. Quand on n’est plus ensem-