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qu’à ce que vous entendez, le soir, dans les ramures du Bocquenay. C’est vrai, — ajouta-t-il rêveusement, — que les âmes ne sont pas transparentes, mais j’aime mieux croire à Sombreval qu’à vous !

Et comme importuné et presque impatienté par cette hallucinée, il fit un geste pour passer en l’écartant, quand elle, très grave et très recueillie :

— Mais il ne s’agit plus de Sombreval ! — dit-elle. — Mais lui, Sombreval, est damné ! Calixte est morte ! Néel de Néhou, marié avec elle dans la mort ! Ils sont tous perdus ! Quand en plein jour, en plein midi, je me retourne dans la lande au Rompu et que je cherche le Quesnay à sa place ordinaire dans la vallée, il n’y est plus ! Il a fondu. Je n’en avise pas même une pierre. L’étang même n’a plus figure d’eau. L’herbe y croît comme dans une prairie. Ah ! il ne s’agit plus du Quesnay, ni de Sombreval, ni de sa fille, ni de monsieur Néel, ni de choses, ni de créatures ! Il s’agit de Dieu, monsieur le curé ! Oui, de Dieu, insista-t-elle, s’élevant tout à coup aux yeux du prêtre, comme si elle se fût fait de ce grand mot de Dieu un escabeau, qui, physiquement, la grandissait, — oh ! monsieur le curé, vous le prêtre de Jésus-Christ, vous allez donc laisser profaner et pour combien de fois, le corps et le