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ment égrené et les deux personnes auxquelles il s’était enfin réduit avaient tourné derrière l’épine qui surmontait le petit mur du funèbre enclos pour aller jouer une partie de quilles, à quelques pas de là, à la Corne-Verte. Le cimetière paraissait n’avoir plus en son enceinte âme qui vive, quoiqu’il y eût encore une personne cachée (car elle était assise à terre) par le seul tombeau qui dominât, de son granit bleuâtre, toutes ces tombes de gazon, semblables aux vagues figées d’une mer immobile.

Ce tombeau était celui de la mère de Néel, cette blanche Polonaise, ce beau grèbe du Nord qui était venu mourir aux marais de Néhou après que l’émigration fut rentrée… La Révolution, qui avait pris aux nobles même leurs sépultures, ne permettait pas qu’on les enterrât sous leurs bancs d’église ou dans leurs caveaux de famille, et Casimire-Gaëtane, deux fois expatriée, reposait au milieu de ces humbles poussières qui n’étaient pas les cendres des siens… La personne assise par terre dans l’ombre projetée du tombeau que le soleil couchant allongeait était l’éternelle rôdeuse de cette histoire.

C’était la grande Malgaigne. Elle avait remarqué l’absence de Calixte à l’église le matin. Elle avait deviné que la jeune fille était malade pour n’être pas venue rendre grâces à Dieu, un pa-