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n’a jamais de distinction vraie, ni de réelle originalité. Organisé pour la vie matérielle, sensualiste bruyant et ardent qui se souciait fort peu des choses de la pensée, quoiqu’il en parle dans ses livres, surtout dans les derniers, M. Eugène Sue n’a jamais cessé d’être un comédien, fou du public plus que de son art et se grimant dans ses livres comme dans le salon de la duchesse, où il eût bien fait de rester. Sceptique nui joua avec un certain brio, mais avec des doigts creux, sur tous les claviers d’idées de son temps, il n’eut point de ces convictions qui font les talents incontestables et impérissables. Parti du pessimisme le plus enragé, il finit par tomber et rouler dans les niaiseries sociales, parce que là était le courant et qu’il y croyait les deux choses qu’il aimait, — l’argent et le bruit, — l’argent pour le luxe qu’il respirait avec une sensualité effrénée ; le bruit, nécessaire à sa flamboyante vanité ! Le bruit s’est dissipé. Le silence s’assied déjà sur cette tombe d’hier. Cet homme est mort le cœur brisé par l’angoisse, comme Lamennais. C’était, en vérité, bien la peine d’obéir à la consigne de Stendhal et de ne pas se repentir !


III

Nous avons nommé Lamennais. Il y a, en effet, plus d’un rapport douloureux et amer entre Lamennais et Eugène Sue. L’un et l’autre sont morts l’âme déchirée pour avoir voulu s’appliquer le mot de César, qui est le mot de tant de gens, très-peu Césars d’ailleurs : «