Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/249

Cette page n’a pas encore été corrigée

Balzac, je demande ce qu’elles prouvent et ce qu’elles annoncent, quand leur objet n’est qu’un écrivain d’un ordre infime, malgré des prétentions exorbitantes. Je demande, si c’est aux Mahomets qu’on mesure les Séides, ce que doit être le Séide d’un Mahomet littéraire comme M. Champfleury ?

La réponse serait si cruelle que je ne veux pas la faire à un jeune homme qui montre certainement, à sa première invention, plus de talent que n’en eut jamais celui qu’il a par trop nommé son maître. Mais voilà la surprise ! c’est précisément le talent qui suppose toujours l’indépendance, c’est le talent qui m’étonne dans l’admirateur fanatique de M. Champfleury et le fougueux théoricien du réalisme ! Je ne reconnais pas, il est vrai, sur ce talent, nouveau pour moi, les influences qui devraient y être, les traces de l’amour, toujours plus ou moins ineffaçables. J’en vois d’autres, au contraire, et je les dirai. Qu’il suffise de savoir, pour l’heure, que malgré les actes d’adoration publics de M. Duranty, ce n’est pas de M. Champfleury qu’est sorti, de droit flanc, le romancier qui a écrit Le Malheur d’Henriette Gérard.

Oui, on trouve encore dans ce livre le réaliste qu’on savait trop bien, le réaliste avec ses fausses prétentions, ses partis pris de vulgarité, ses tendances volontairement abaissées ; et c’est dommage ! le talent de M. Duranty étant assez ferme pour, s’il était bien conseillé, s’élancer et quitter le plat terre-à-terre de son école. Mais, Dieu soit loué ! le Ménechme d’imitation qu’on pouvait craindre, le frère postiche que l’admiration eût pu faire naître à M. Champfleury, n’y est pas, Pollux n’aura pas de Castor.