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arrivés au logis de Bruges pendant l’absence de Catherine, et finissant par la description du fumier, des poules, des cochons, véritable assomption de couleur locale flamande ! C’est, comme vous le voyez, une enfilade vertigineuse de descriptions. Cette rage de décrire est si grande dans M. Feydeau, que, non-seulement il décrit ce que ses personnages voient, mais il décrit même ce qu’ils rêvent. On dirait qu’il a interverti l’ordre des procédés ordinaires, et qu’il n’a pas placé ses personnages dans ses descriptions, mais plaqué ses descriptions par-dessus ses personnages, mettant l’accessoire devant le principal, et la plastique inerte devant la nature vivante ! C’est cette préoccupation de peintre dévorant le littérateur, et qui, du reste, est la maladie des pommes de terre de la littérature actuelle, c’est cette préoccupation qui a poussé l’auteur de Catherine a faire un peintre de son second héros, le bon et le définitif, et à lui souffler des théories sur les rapports de la peinture et des gouvernements, pour lesquelles il est évident que l’honnête Marcel n’est que la sarbacane de M. Ernest Feydeau.

Mettre des théories quelconques dans un roman est encore une des manies de notre siècle. MM. de Goncourt plaçaient dans le leur une théorie médicale, l’autre jour. Reste de doctrinarisme qui nous domine encore, et dont nos enfants auront la piété de seulement sourire, en pensant au scepticisme de leurs pères, quand ils trouveront de ces discussions pédantesques au milieu de nos plus romanesques inventions !

Tel est cependant, pour le fond et la forme, tout le livre de M. Feydeau, qu’une voix pleine d’autorité nous