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seront ce qu’ils sont, à si peu d’exceptions près, — de vrais jeunes gens jusqu’à la tombe. Née d’une séduction, Catherine d’Overmeire est victime d’une autre. Seulement, une fois parfaitement déshonorée, elle est épousée par un moraliste plein d’ampleur, qui n’y fait pas tant de façons, et qui tient la faute de la jeune fille bien moins pour une honte que pour un malheur.

Telle est la donnée, doit-on dire philosophique ? sur laquelle M. Feydeau a construit un livre que des rhétoriciens perclus, et qui veulent que les faits ne bougent pas plus que leur imagination podagre, ont appelé, ces jours-ci, un mélodrame plutôt qu’un roman. Critique idiote, si elle n’était pas menteuse ! Il est impossible, en effet, que des rhétoriciens, si forts sur la division des vieux genres, ne sachent pas que le mélodrame est un drame où les entrées des personnages se font au son de la musique, ce qui n’arrive pas une seule fois (nous en donnons notre parole d’honneur !) dans le livre de M. Feydeau. Or, s’il n’y a pas de musique dans le livre de M. Feydeau, le mélodrame n’y est pas, et il n’y reste que le drame, qui n’appartient pas exclusivement à la représentation scénique, le drame qui entre partout et se mêle à tout, et qui est forcé dans le roman comme au théâtre. N’importe donc où il soit et où on le prenne, c’est la vie que le drame, c’est la vie passionnée. Or, encore, il est évident que la passion qui brûle et bouleverse la vie, que l’amour qui se méprend, la faiblesse qui tombe, l’égoïsme qui dévore, la haine qui se venge, la pitié qui se sacrifie, toutes les fautes enfin, ces moitiés de crime, quand ce