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M. de Vigny, gardent sur un front qui pourrait rayonner encore, le désespoir serein d’un temps indifférent aux vers. Les autres sont livrés à la critique, à l’érudition, à la dévorante prose, comme M. Sainte-Beuve, par amour pour les gens littéraires, ou, comme M. de Lamartine, pour quelque motif douloureux… Encore une fois, seul M. Victor Hugo, malgré les divers cours de sa fortune, est resté fidèle à la Muse, cette déesse de plus en plus fabuleuse. Il est resté fidèle, vaillant, infatigable, fécond de cette fécondité tenace qui est un signe, — le signe de la souveraineté dans la vocation créatrice, — et pour cette raison il est peut-être le seul qui puisse aujourd’hui nous donner, après les fortes œuvres, le pur chef-d’œuvre qui est le dernier mot d’un homme ou d’un. siècle. Seulement, nous le répéterons à M. Hugo avec austérité : pour cela il ne faut point porter soi-même sur ses facultés les troubles d’une époque moins forte qu’elles, car, en tant que ces facultés ont voulu demeurer poétiques, cette époque ne les a ni distraites de leur but, ni étouffées, quand elle pouvait, comme dans tant d’autres, les distraire et les étouffer.