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nous reconnaîtrons qu’il est dans ce morceau aussi détestable que la pensée. Les procédés à l’aide desquels M. Hugo écrit ces barbaries de langage, qui n’ont pas même la force brutale de la Barbarie, sautent aux yeux du connaisseur le moins avisé. Éclectisme de rimes préparées, provision de remplissages pour boucher les trous, chevilles qu’on a sous la main et qui reviennent avec une monotonie hébétante, lambeaux de pourpre masquant les lacunes, torrent fangeux d’épithètes, tels sont les moyens et les ressources de ce poète qui fabrique à froid et par dehors tous ses vers. Quand on les étudie avec attention, il est bien évident que le lyrisme de M. Hugo n’est qu’une imposture, et que son air effaré, qu’il croit inspiré, n’est qu’une odieuse grimace devant un miroir. Comédien fort au-dessous de ceux du théâtre, il n’est jamais emporté par un sentiment, par la fascination d’une expression qui l’excuserait. Il singe la fougue et écrit avec de froids calculs des choses sacrilèges :

On verra le troupeau des Hydres formidables

Sortir, monter du fond des brumes insondables

Et se transfigurer,

Des étoiles éclore aux trous noirs de leurs crânes,

Dieu juste ! et, par degrés devenant diaphanes,

Les monstres s’azurer !

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Ils tiendront dans leurs griffes, au milieu des cieux calmes,

Des rayons frissonnants semblables à des palmes !

Les gueules baiseront !

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On leur tendra les bras de la haute demeure,