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monstrueux, mais toutes ces qualités réunies ne font pas à M. Bouilhet cette originalité hors de laquelle, pour les poètes, il n’y a pas de salut.

Malgré ces qualités que je me plais à reconnaître, M. Louis Bouilhet n’est présentement aux yeux de la Critique, qui ne croit pas à la solidité des succès que les bourgeois bâtissent, rien de plus que la cinquième roue au char du romantisme qui dételle… Je sais bien qu’il ne nous croira pas, ni pour le romantisme ni pour lui… Il ne croira jamais, parce que nous le lui disons, qu’il n’est qu’un Victor Hugo de dixième venue, un enfant robuste qui n’a pas craint de toucher au cor de ce Roland qui a sonné dans Les Contemplations, son Roncevaux littéraire, et s’est mis à en sonner comme s’il était Roland lui-même, devant crever au bout, non de désespoir, mais de l’entreprise, quoiqu’il ait eu foi, comme un enfant, en sa trompette !

IV

Il y aurait peut-être moyen de vivre cependant… J’ai dit plus haut que dans M. Bouilhet, toute personnalité, pour être imperceptible, n’était ni perdue ni désespérée. Au milieu de toutes les choses que le romantisme a mises en lui, il en est une que le romantisme ne connaît pas, ou du moins connaît fort peu. C’est la gaieté, une gaieté loyale et sincère que M. Bouilhet ne tient de personne ! Ce n’est point celle de M. Hugo, qui ressemble au masque savamment composé