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disposons, nous ne pouvons qu’indiquer et qu’abréger, nous pourrions bien la continuer et même l’étendre à d’autres poètes imités, comme M. Bouilhet imite, sans pillerie grossière, mais avec une évidence qui frappera tous ceux qui se connaissent en poésie. Par exemple, la pièce intitulée Le Lion rappelle le Jean de Paris d’Hégésippe Moreau et est bien moins belle, d’un mérite bien moins insolent. En somme, en imitant, M. Bouilhet diminue. Le rayon, qui fait mal aux faibles yeux, il le tamise, et les faibles yeux sont reconnaissants. M. Bouilhet est le soleil couchant de la poésie romantique arrivée au soir de sa durée. Mais en poésie, romantique ou non, il faut faire différent des autres, ou, si on ne fait pas différent des autres, il faut au moins faire aussi intense qu’eux. Autrement, les soleils couchants sont bientôt couchés.

III

La poésie de M. Louis Bouilhet est donc une poésie sans originalité, — et, pour nous, c’est la condamnation suprême. Il a de la grâce souvent, comme dans son Enfant au bord de la mer ou son Intérieur ; il a de la vérité, comme dans L’Abandon, quoiqu’elle soit délayée, hélas ! dans beaucoup trop de rhétorique ; il a même quelquefois de l’inattendu, comme dans Le Secret, de la force partout et surtout dans son poème des Fossiles, où il peint des choses monstrueuses, avec le goût de M. Victor Hugo pour le