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— n’importe lequel, — et il l’eût imité non en se grimant péniblement, comme les faibles imitateurs, mais facilement, avec une appropriation pleine de force, en homme qui, s’il n’a pas les facultés créatrices du poète, a du moins des facultés poétiques d’une certaine puissance. Il eût peut-être, comme M. Ponsard dans sa Lucrèce, fait remonter son imitation plus haut que son siècle, en coupant le vin sabin du vieux Corneille avec l’eau pure de l’amphore de Chénier ou celle moins pure de sa propre cruche à lui, M. Ponsard.

Il n’y a rien de commun certainement entre la touche de M. Bouilhet, qui a une touche, et la touche de M. Ponsard, en supposant qu’on puisse employer ce terme de peinture en parlant d’un poète aussi peu peintre que l’auteur de Lucrèce ; mais si le résultat d’art est différent, le résultat d’impression est le même. Ils doivent leur succès aux mêmes causes. Ils font plaisir comme de vieux souvenirs. J’étonnerais peut-être beaucoup M. Bouilhet en lui disant qu’il est un vieux classique du Romantisme, et pourtant rien ne serait plus vrai. Le Romantisme est maintenant le classicisme de notre âge, mais la Critique, qui se fie à l’inépuisable Beauté, attend des poésies aux formes et aux inspirations nouvelles. En poésie, la littérature de 1830 n’a pas dit le dernier mot des choses, et déjà, sur une tête jeune et ardente comme celle de M. Bouilhet, la longue chevelure des Samsons du Romantisme d’il y a trente ans fait l’effet à son tour de cette fameuse perruque qu’on croyait voir alors sur la tête de M. Viennet !

Et la preuve de tout ceci déborde du volume de