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les Mages, Ce que c’est que la mort, et vingt autres pièces du même genre, doivent être lues dans leur entier, pour qu’on puisse se faire une idée exacte de cette écrasante incompréhensibilité à laquelle M. Hugo est arrivé à force de remuer les mots. Contrairement à tous les autres hommes, le verbe qui éclaire l’intelligence aveugle la sienne. Il meurt victime des mots qui furent trop exclusivement sa poésie dans un temps qu’il en avait une encore. Cela est triste à dire, mais cela est mérité. Nous ne mourons que de nos excès. Dans ce volume, l’artiste périt défiguré, enflé, énorme (le mot qu’il aime le plus et qui le peint le mieux), il meurt d’une hémorrhagie de mots sans idées ! Quand on l’a lu comme nous venons de le lire, on a des vertiges comme les siens. On est assommé de sa masse. On se dit que la Henriade est une belle chose, transparente, rafraîchissante et lumineuse. On croit qu’une tragédie de M. de Jouy ferait du bien, et l’on est tenté de soutenir que, dans un pays où l’on écrit et où l’on admire de telles poésies, il n’est pas possible que La Fontaine ait existé !

V

Nous pensions en avoir fini avec M. Victor Hugo et ses Contemplations, et voici qu’il faut y revenir encore ! Ce sont ses amis, ses imprudents amis, qui nous y forcent. Pour notre compte, nous aurions mieux aimé nous occuper d’autre chose ; mais nous avons été accusé d’avoir fait une mauvaise action en