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Puck, et qui, je crois bien, ne trouvera pas cette fois-ci de Titania ! Par le commencement de ses chants, il le rappelle encore, car M. Quinet ne craint pas d’y parler, en son propre et privé nom, à son lecteur, comme fait l’Arioste, et il s’y permet, avec un esprit à gros ventre, d’imiter les ondulations ravissantes de ce demi-Dieu de la grâce et de la fantaisie, moitié cygne et moitié serpent ! Par les allusions, par l’allégorie, par la guerre au temps présent, par ce bon Merlin qui joue à l’écho avec ce bon Pantagruel, M. Quinet est un Rabelais, mais un Rabelais contrefaçon, que le sérieux trahit, et qui n’apprendra jamais à rire. Par son Jacques Bonhomme, qu’il donne pour Sancho-Pança à Merlin transformé en Don Quichotte, nous glissons en Cervantes ; et enfin, nous tombons en plein dans le Dante, pèlerin aussi dans les trois vies, comme Merlin, et nous retournons, pour faire croire à la nôtre, la création de ce fier inventeur, en faisant, dans les limbes avant la vie, ce que Dante fait, lui, dans son triple monde d’expiation ou de récompense après la mort ! C’est un peu osé, comme vous le voyez, toutes ces réminiscences, mais que voulez-vous ? Voilà le génie de M. Quinet !

C’est un génie né de plusieurs pères, et qui, justement parce qu’il n’en faut qu’un, ressemble à trop de gens pour pouvoir ressembler jamais beaucoup à personne. Plagiaire involontaire, et caméléon qui s’ignore ; ruisselant, comme un homme qui sort de l’eau, des lectures que tout le monde a faites et que dans son livre on peut aisément suivre à la trace, ce génie, à personnalité incertaine et confuse, ne vivrait même pas de sa pauvre manière d’exister, si des autres