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rien à téter du tout, sont parvenues à élever M. Henri Mürger comme poète, et si à quarante ans il n’est pas mort, en bas âge, dans leurs fortes mains !

II

C’est en effet le caractère du talent de M. Mürger, — le bas âge éternel ! Quoi qu’il ait écrit, — vers ou prose, — ce n’est pas un talent achevé, venu à bien, ayant son aboutissement et sa plénitude. Ses meilleurs endroits sont toujours les ébauches faciles, assez gracieuses dans leur facilité, d’un homme qui, peut-être, sera un artiste demain. Telle est même l’illusion de jeunesse et d’espérance à laquelle on s’est pris jusqu’à la dernière heure, que M. Henri Mürger, l’auteur de la Vie de Bohême, n’a jamais eu quarante ans, de fait, pour l’Imagination contemporaine, et ce n’est point, parce qu’en le lisant, l’Imagination est devenue grisette. Non point ! C’est pour une raison moins aimable.

Évidemment, en parcourant ces pages incorrectes et lâchées et ces vers dans lesquels l’émotion ne peut sauver le langage, on a senti que cette fantaisie ne tenait pas toute sa force, que cette langue de poète avait le filet… On ne le lui coupa pas et jamais il ne se l’arracha. Né délicat, M. Mürger n’était pas de ces esprits puissants qui trouvent une forme toute faite dans l’originalité de leur génie ou se travaillent de leurs mains robustes pour s’en faire une… Lui moins