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Critique ne porte pas un regard calme sur les œuvres qu’il a laissées, et ne demande pas à ces œuvres la justification des regrets exprimés par ceux-là qui ne disaient pas grand’chose de M. Mürger pendant sa vie, et qui, maintenant qu’il n’est plus là pour les entendre, ne voudront peut-être pas qu’on en parle, si l’on en dit un bien absolu ?

Eh bien ! vraiment, pour l’honneur de la Critique et l’exactitude de l’histoire littéraire qu’elle écrit chaque jour, j’ai cru que ce n’était pas là une raison suffisante de se taire et de souscrire, par son silence, à l’opinion trop émue qu’on a voulu dernièrement nous donner d’un talent qui, en lui-même, n’est pas si troublant et auquel la Mort, cette railleuse qui fait parfois les meilleurs prospectus, en a fait un qu’aucune circonstance probablement ne recommencera jamais plus.

C’est sous le coup de cet éloquent (trop éloquent ! ) prospectus que je viens de lire les Œuvres de M. Henri Mürger, qui m’étaient inconnues, et je crois pouvoir affirmer que ce ne sont pas de ces choses qui soient organisées pour durer… Ce sont, je le veux bien, ici et là, deux ou trois fleurettes, peut-être d’autant plus touchantes qu’elles sont nées sur des plates-bandes dont le terreau n’était pas très-pur et dont le jardinier avait beaucoup souffert. Mais ce ne sont pas des fleurs immortelles ! Autant en emporte le vent, ce bon vent du XIXe siècle, qui emporte tout doucement tant de choses, sans avoir besoin de souffler !

M. Henri Mürger, ce bohême — car on peut lui donner ce nom dont il a fait son titre — M. Henri Mürger, je le crains pour lui, n’aura donc pas la solidité