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seulement une Élégiaque. C’est dans ses Poëmes qu’il faut chercher le fleuron de sa couronne fanée qui aurait pu être immortel. Parmi les poèmes qu’elle a laisses, deux surtout me frappent ; Magdelaine, d’une largeur de touche étonnante avec la tendresse du sujet, et parfois d’une vigueur d’invention encore plus étonnante pour un cerveau de femme, dont le destin est d’imiter, et Napoline, poëme personnel publié, il est vrai, en 1833, à l’époque où Mme Delphine Gay était devenue Mme Émile de Girardin, mais qui fut composé, croyons-nous, lorsqu’elle était jeune fille, et dans lequel, d’ailleurs, si elle ne l’était plus, elle exprimait des sentiments de jeune fille pour la dernière fois. Ce poème de Napoline, personnel de sujet, ne le fut point par la forme et par l’expression. S’il y a du singe dans la plus jolie femme, a dit un moraliste amer, il y en a peut-être aussi dans la femme du talent le plus sincère.

Napoline fut le don Juan, non ! mais la dona Juana d’une arrière-cousine de lord Byron. On trouve, en effet, dans ce poème, un mélange de cœur blessé et de mélancolie railleuse, de l’esprit du monde et de révolte contre lui, qui n’a pas, il est vrai, la fierté de la poésie du terrible, cousin que Mme de Girardin se donnait par ce poème, mais qui la compense par la grâce chaste d’une femme se souvenant encore qu’elle est femme, comme après ce poëme elle a pu l’oublier. M. Théophile Gautier a comparé ce poème, perdu dès son apparition dans le bouquet de la poésie romantique, qui éclatait (dit-il) avec un fracas lumineux, à une bombe à pluie d’argent… et c’est là une image juste et charmante qui donne le coloris du