Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1862.djvu/315

Cette page n’a pas encore été corrigée

souvent opprimé. M. Gautier ne dit pas tout cela, bien entendu, mais sa notice n’empêchera pas qu’on le dise. Mais moi, par exemple, qui n’ai point de reconnaissance à garder envers la mémoire de Mme de Girardin, moi qui n’ai pas été reçu chez elle et qui n’ai pas bu dans les verres à champagne de ses soupers cette décoction de lotus qui fait oublier la Critique, j’oserai très-bien écrire qu’en somme Mme de Girardin, cette Philaminte, mais sans le bourgeois, le cuistre et le grammatical de la Philaminte de Molière, Mme de Girardin, l’auteur des Deux amours, du Lorgnon, de La Canne de M. de Balzac, et dont les deux meilleures chosettes, La Joie fait peur et Le Chapeau d’un horloger, sont des comédies de paravent, ne fut guère qu’un talent de salon qui ne s’élevait pas beaucoup plus haut que les corniches.

Certes, Mme Delphine Gay valait mieux avec la spontanéité de sa jeunesse, travaillée déjà, car elle a toujours un peu posé, la Muse de la patrie, mais pas autant que quand elle eut un salon, ce fameux salon vert-de-mer où ce teint de blonde assassinait les brunes, ses amies, idée de femme que je trouve très-jolie, et que je ne lui reproche pas, comme je lui reproche d’y avoir trop posé, dans ce salon, en Mme de Staël. Du reste, c’était le temps de la pose. M. Victor Hugo, qui se croyait le Napoléon de la poésie, avait un dais ; Mme de Girardin, disons-le à sa décharge, ne se permit pas un trône. Mais, n’importe ! j’aime mieux Delphine Gay ! oh ! gai !