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                ……Ton Église et ta gloire
Peuvent, ô Rédempteur ! sombrer aux flots mouvante ;
L’homme peut, sans frémir, rejeter ta mémoire
Comme on livre une cendre inerte aux quatre vents !
…..Tu sièges auprès de tes ÉGAUX ANTIQUES,
Sous tes longs cheveux roux, dans ton ciel chaste et bleu…


Voilà ce qu’il est comme chrétien et il n’est pas plus comme philosophe. Il a traversé des doctrines, mais il n’a foi en rien, pas même dans l’erreur. Également mythologue antique et mystagogue indien, il va des sveltes symboles de la Grèce au vaste symbolisme lourd et confus de l’Inde, et pour les mêmes raisons, affaire de métaphore, besoin d’images ; seulement, comme l’a dit Fourier, les attractions étant proportionnelles aux destinées, la métaphysique indienne le retient par son vide même, ce nihiliste naturel !

Et d’amour il n’en a pas plus que de foi ! Le sentiment qui a inspiré tant de poésies à tant de poètes et qu’on retrouve à travers tout dans le cœur des hommes, l’amour, l’âme du lyrisme humain, il ne le connaît pas, il ne l’a jamais éprouvé. Quand il le chante, c’est qu’il traduit Burns, c’est qu’il traduit Horace, c’est qu’il traduit Anacréon ! La seule pièce élégiaque du recueil est le Manchy, — un souvenir créole, — et tous les détails de ce morceau, qui sont charmants et délicieusement rendus, sont descriptifs. Ah ! le descriptif est partout, il est là toujours, et chez M. Leconte de Lisle il a tout dévoré. C’est une hypertrophie ; l’hypertrophie du descriptif. Maladie du temps, mais qui est devenue sa nature, à lui, a ce