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XII


M. LE CONTE DE L’ISLE[1]

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I



Dans une époque sans convictions profondes et sans vérité, doit-on beaucoup s’étonner que la chose du monde la plus intime, — la poésie, — ne soit pas sincère ? Doit-on s’étonner qu’à défaut d’un visage expressif qu’on n’a pas, on se pétrisse, d’une main plus ou moins habile, un masque qui serve à cacher le néant ou la vulgarité de la physionomie qu’on a ? … Non, sans doute. C’est même une chose naturelle, ordinaire et universelle aux temps de syncrétisme comme le nôtre, que cette facilité des esprits à revêtir tous les costumes, déjà connus, de la pensée, et à se les ajuster assez bien, ma foi ! pour que les badauds y trouvent de l’illusion ou de la joie : mais est-ce là de la poésie vraie ? Est-ce réellement de la poésie, —

  1. Poëmes antiques.