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… Les philistins, les pédants et les cuistres,

Qui m’ont en mal déjà noté sur leurs registres

Pour avoir cultivé, rimeur émancipé,

Le genre mors aux dents ou cheval échappé,

Trouvant que de nouveau je prêche et prévarique,

Élèveront encore leur voix charivarique,

Et se scandalisant de ma ténacité,

Crieront au mauvais goût, — à l’excentricité.

Froissés de toute chose avec audace écrite,

Et de toute parole un peu rondement dite,

Ils m’appelleront fou. — « Quel est ce vertigo ?

Diront-ils. A quoi bon ces rimes en écho ?

Comment s’amuse-t-on aux vers trisyllabiques ?

Que ne fait-il plutôt des poëmes épiques ? »

et c’est cette outrance reprochée à M. Pommier et qui me plaît, à moi : car sans elle je ne pourrais retrouver l’identité du poète des Crâneries dans le poète des Colifichets, cette outrance que M. Amédée Pommier a portée dans la langue et l’expression intense, comme il l’avait déjà portée dans les sentiments énergiques de quelques-uns de ses poëmes et dans le terrible burlesque de quelques autres, et par exemple de son Enfer. Faire donner à l’expression réduite, autant qu’elle peut l’être, à elle-même, car elle ne vit pas absolument d’une vie qui lui appartienne, mais lui faire donner tout ce qu’elle peut donner, quand elle est réduite à sa propre puissance et à son propre charme, voilà le beau problème poétique qui vient d’être résolu dans une expérimentation de génie. L’expression a répondu et a dit son dernier mot. Elle a exhalé le dernier soupir qu’elle gardât dans le trésor de ses harmonies les plus secrètes,