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Ce cruel mépris d’expression, cette brutalité du coup de pinceau dans la description, sont, à notre sens, magnifiques, et on les retrouve à toutes pages dans le poème de M. Amédée Pommier. Et qu’on ne s’y trompe pas ! Ce n’est pas seulement une force de style acquise ou spontanée, un faire particulier dont le poète est doué, c’est quelque chose de plus étonnant et de plus profond. M. Amédée Pommier, par cette mystérieuse intussusception qui fait les poètes, a dans l’âme un peu de ce sentiment formidable qu’on peut appeler la revanche de Dieu, et cela est bien plus puissant qu’une manière quelconque. Quand il prend un à un, avec un détail prodigieux et une verve qui vous enlève dans son tourbillon, tous les coupables de l’humanité, et qu’il les dénombre, les démasque et les rejette de la face de Dieu, comme disent les Saints Livres, — il a vraiment dans l’expression la pointe acharnée du glaive de flammes torses de l’Archange. Toute cette partie de son poëme est d’une vie telle qu’il est impossible d’en rien détacher, car la strophe vous prend et vous jette à la strophe suivante, et vous faites ainsi le tour de ce morceau d’une impétuosité lyrique irrésistible ! De même, dans la peinture des supplices de l’enfer, que M. Pommier a détaillés avec une opulence et un fini qui semblent avoir épuisé les ressources et les combinaisons des démons eux-mêmes, ce qui frappe, ce n’est plus l’invention, ce n’est plus même ce dessin, si pur et si net sur son fond de flamme, des souffrances horribles des damnés, c’est le sentiment qui circule à travers ces formes étranges et ces épouvantements matériels ! Le spectacle est là, réel et visible, mais le sentiment du poète