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L’œuvre divine se consomme.

Les fils, les pères, les aïeux,

Se réveillant d’un profond somme,

Ébahis, se frottent les yeux.

Dans tous les caveaux mortuaires,

Dans les charniers, les ossuaires,

Sous les longs plis de leurs suaires,

Se démènent les trépassés.

Retrouvant leurs chairs et leurs lombes,

Les habitants des Catacombes

Poussent le couvercle des tombes,

Et sur leurs pieds se sont dressés ! On entend claquer les squelettes.

De son cercueil l’embaumé sort,

Démaillotté des bandelettes,

Langes multiples de la mort !

Chrysalide humaine endormie,

Du fond des cryptes revomie,

On voit la rigide momie

Remonter, blafarde au grand jour !

Et dans la nuit des hypogées

Les générations logées

Viennent pour être interrogées

Par le Christ, chacune à son tour.

A coup sûr, voilà une grande manière, simple et forte, et pourtant solennelle ! Voilà une voix qui vient d’une poitrine profonde et qui a de l’accent ! une voix qui nous fait tressaillir. M. Amédée Pommier, qui a parfois la solennité surhumaine de la Bible, y joint (et c’est là le caractère de son poème et de son talent) cette vis comica que le Moyen Age avait admise dans l’interprétation du dogme de l’enfer, et qui devenait, sous la main de ses artistes, du tragique renversé et redoublé par le contraste.