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anticipé, qui avait lu saint Thomas et qui ne pouvait s’en défendre, — et que nous lui faisons l’honneur de trembler deux fois devant lui, — devant ses inventions et devant son génie ! Pour son génie, il est incontestable, mais ses inventions n’ont rien confisqué de l’idée chrétienne, qui reste à la disposition du premier venu et qui, malgré l’effort du talent très-énergique et très-fier auquel nous applaudissons aujourd’hui, attend encore, attend toujours un poète de proportion avec sa grandeur !

Eh bien ! pourquoi M. Amédée Pommier ne l’a-t-il pas été, ce poète ? Est-ce le génie qui lui a manqué ? Mais la conception de l’enfer chrétien dispensait un homme d’avoir du génie, et, d’ailleurs, voir où dort une immense poésie rend un homme digne de l’éveiller. Est-ce la puissance de l’imagination ? est-ce la faculté de l’enthousiasme ? est-ce l’expression, l’expression, composée de tant de choses, le rhythme, le verbe, le mot qui force la mémoire à vibrer et à se souvenir ? Non, rien de tout cela n’a manqué au nouveau poète de l’Enfer. Son poème est là qui répond pour lui. M. Amédée Pommier a les qualités supérieures qui devaient naturellement trouver leur emploi dans un sujet comme celui qu’il a abordé, et elles l’ont trouvé avec usure ; elles l’ont trouvé avec magnificence : nous le prouverons par des citations. Nous ne lui reprocherons pas, nous, la violence de sa manière de peindre, qui n’est que de la netteté flamboyante dans ce sujet d’un enfer réel, où l’ignominie des Sept Péchés Capitaux force le poète à matérialiser sa pensée, comme l’âme a matérialisé son péché, comme Dieu a matérialisé le châtiment.