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III

Eh bien ! Mme Desbordes-Valmore est du nombre. Elle n’est pas plus poète que les autres femmes qui ont péri dans leurs luttes avec le Vers ou que le Vers, incoercible à leurs pauvres efforts, a dédaignées. Mais comme les autres femmes et plus qu’elles souvent, elle a des qualités poétiques. Elle en a de très-délicates et en même temps de très-ardentes. C’est une âme et c’est un talent, mais une âme et un talent ne sont pas la monnaie du génie qui fait qu’on est poète….. Ce talent naturel comme la voix, n’allez pas croire pourtant que cette rêveuse, cette abandonnée, cette troublée qui jetait ses cris éloquents autour d’elle ou laissait tomber ses soupirs, chantât comme Ophélie entre le saule et l’eau : non ! elle avait de l’art encore dans ses folies et ne mêlait point ses romances.

Non, la spontanée a travaillé vingt ans ; elle a essayé de se faire une langue pour chanter quand elle ne criait pas, car la poésie n’a pas que des cris, il y a du bleu entre les étoiles, et minuit, disait lord Byron, n’en est pas tissé ! S’il était possible de devenir poète en passant par l’artiste, elle le serait devenue, comme ses Poésies inédites l’attestent, ces suavités tardives du soir de sa vie qui sont plus belles et plus pures que les poésies de son aurore.

Car c’est là que je veux arriver. Les Poésies qu’on