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de Beauvoir est quelquefois négligé. Il n’est pas très-rare, en effet, que les poètes très-vrais soient négliges, tandis que les poètes affectés ou les poètes d’Écoles (ces grandes affectations organisées) sont d’une correction qui ne défaille presque jamais et qui, d’ailleurs, s’explique. L’expression étant leur unique visée, non-seulement ils la taillent, mais ils la brossent comme une pierre précieuse. Ainsi Pétrarque, par exemple, ce poète qu’on aime à la rage quand on l’aime, — car on ne peut l’aimer qu’en raison d’une certaine dépravation de l’esprit. Ainsi encore les Lakistes et Wordsworth en Angleterre, s’ils manquent de vérité humaine, sont, au point de vue de la langue poétique, de très-grands écrivains. C’est cette correction de l’expression dans la vérité de l’inspiration qui constitue la poésie complète et que l’auteur de Colombes et Couleuvres n’a pas toujours. L’émotion compte tant sur elle-même, quand elle est sincère, que trop souvent elle se contente d’être. Or, un homme ému n’est encore que la moitié de l’écrivain et du poète, et il faut davantage. M. de Beauvoir, qui joint à cette émotion une fraîcheur près de laquelle parfois les fleurs de l’hortensia paraîtraient glauques, et les blancheurs du magnolia, des vélins jaunis, manque de netteté de lignes et d’articulation ferme sous cette adorable couleur. Dans Fleur de Tombe (une véritable création en vingt vers ! ), il y en a quatre qui nuisent à la perfection d’un ensemble que l’imagination entrevoit et regrette… En ceci, M. Roger de Beauvoir est inexcusable. Ce n’est point l’instrument qui lui fait défaut. L’autre jour encore, il publiait des vers adressés à un païen de la forme, dans lesquels