Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1862.djvu/114

Cette page n’a pas encore été corrigée

part « un poète rural » … Pourquoi pas municipal ?.. Un poète rural ! Ce n’est pas armoricain, cela, que je sache ! Je ne l’insulterai pas, moi, de ce mot dont il s’est insulté : j’aime mieux dire que c’était un poète qui n’a pas assez respecté la virginité de ses impressions premières, mais chez qui pourtant les premières impressions ont résisté aux élégances d’école auxquelles il se forma plus tard. Coquillage des bords de la Bretagne, mis sur l’étagère des belles dames, il y bourdonne les bruits lointains des flots de la mer… Cela fait rêver et ne fait pas souffrir… Cela est presque joli à entendre. Je l’ai entendu dire : « cela est joli, Brizeux ! » et il le méritait. Il n’avait que la grâce de sa faiblesse, et il l’a encore efféminée, en se civilisant si bien.

Il n’a réussi que dans les choses petites. Les compositions, ces ensembles qui ne tenaient pas et qu’il nous a donnés comme des poèmes sous les noms de Marie et de La Fleur d’or, ne sont, après tout, que des poésies diverses où les plus courtes sont, sans épigramme, les meilleures. Je citerai après les Élégies à Marie, toutes les pièces A ma mère, L’Aveugle, ce sujet qui a toujours inspiré les poètes, Ne va pas rester sur ton livre, Le Maçon, Le Cheval Jobi, etc. Il faut un cadre étroit à Brizeux, et c’est pour cela sans doute que, tenté par les dimensions de l’ovale, il a voulu faire des camées. Malheureusement, pour des camées il faut aussi un graveur, il faut le poinçon hardi, mordant et infaillible.

Brizeux avait la main trop rêveuse et trop caressante pour bien manier ce dard de la pensée. Sa vraie, sa plus nette supériorité, à lui qui méditait les grands poèmes,