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si elle avait une âme, sentirait le marteau, Les Bretons n’ont guère (quand ils les ont toutefois) que les qualités idylliques qui firent la fortune de Marie et de quelques pièces du poème qui suivit celui de Marie : La Fleur d’or. C’est toujours le même biniou qui joue juste et quelquefois mélodieux, pour peu qu’il ne joue pas longtemps, car Brizeux a l’haleine courte, comme Virgile : seulement, Virgile l’avait aussi longue que pure dans ses vers. Quant à la harpe de Merlin, dont il est parlé beaucoup dans Les Bretons, je ne l’ai pas entendue. Dans ce poème de longue haleine entrepris par une haleine courte, dans ce conte de l’âtre ou du lavoir, qui s’entremêle ou plutôt s’emmêle de légendes, le faux Épique fait perpétuellement tort au Bucolique vrai, et l’on voit trop à travers la chevelure ébouriffée du petit pâtre se dresser la longue et solennelle oreille du Marchangy ! Imagination qui n’est pas de force à se passer d’avoir vu, Brizeux aurait-il vu les scènes grandioses qu’il ne devine pas, qu’il n’aurait pas de langage pour les décrire.

La langue de cet homme de la terre des chênes et des granits est correcte, mais molle, et quand elle veut être nerveuse, elle devient sèche. Il n’a aucune des majestés nécessaires aux entrepreneurs des vastes épopées. Homère, quand il peint Nausicaa au bord de la fontaine, est toujours Homère. Il y a beaucoup de Nausicaa sur les bords des fontaines de Bretagne ; mais Brizeux, ce monsieur en noir et si bien peigné, qui a laissé là ses braies bariolées et ses longs cheveux celtes, ne rappelle pas plus le génie d’Homère que ses haillons !

Le croirez-vous ? il n’a pas craint de s’appeler quelque