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Nous n’en avons guères qu’un piètre fragment, un à peu près insuffisant. Rien de plus. — Mais ce que nous en avons déjà pourra servir à nous en faire avoir encore ; et c’est là le but grandiose auquel le devoir ou l’honneur du dix-neuvième siècle est de pousser de toutes ses forces réunies. Chose plus difficile à accepter ! c’est aussi, — toujours selon M. Taillandier, — le devoir du christianisme lui-même. Le christianisme doit établir la liberté contre sa propre personne, et il n’est même le christianisme vrai qu’à ce prix. Ne riez pas et ne croyez pas que M. Saint-René Taillandier, qui écrit cela, soit un ennemi du christianisme. Non pas. C’est un ami plutôt.

Il diffère par un point de M. Saisset. Il ne se contente pas de saluer avec un respect froid cette religion qui passe (on l’espère bien) et qu’on ne salue que parce qu’on croit qu’une fois passée elle ne reviendra plus et que la philosophie pourra s’installer à sa place. Lui, M. Taillandier, s’agenouille encore devant elle… Critique doux, simple professeur de littérature en province, il n’a pas l’ambition du sacerdoce philosophique. Il ne demande pas mieux que de rester chrétien et tranquille, — l’unique chrétien, je crois, de la Revue des Deux-Mondes, mais pourtant c’est à la condition que le christianisme se conduira bien, c’est-à-dire ira se relâchant chaque jour un peu plus dans une liberté indéfinie. Tel est le christianisme, l’idéal de christianisme de M. Saint-René Taillandier, — et à la Revue des Deux-Mondes, qui, comme on sait, est rédigée par une société de ménechmes, c’est son originalité.