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à mot de son auteur. Il n’en a pris que l’esprit même et l’a vêtu comme un pauvre qu’on veut réchauffer. Avec sa langue feuillue et abondante, il s’est roulé autour de la pensée simple et nue de l’original, et il a fait de cette pensée sèche ce que la guirlande de pampre et de vigne fait d’un thyrse qui, primitivement, n’était qu’un bâton.


V

Ainsi nous n’hésitons point à le répéter, de toutes les traductions qui ont été faites du livre de l’Imitation, et elles sont nombreuses, depuis celle du chancelier de Marillac, rééditée de nos jours, et dans laquelle on a une naïveté bien inférieure à celle de la traduction du XVe siècle, jusqu’à celle que s’imposa M. de Lamennais (il était chrétien alors) pour mortifier, je crois, son génie, la meilleure, celle-là qui complète le mieux son auteur en le traduisant, est celle que MM. d’Héricault et Moland nous ressuscitent aujourd’hui ; toutes les autres ne valent pas le texte parce qu’elles veulent seulement nous le donner. Malgré le succès qui s’est attaché à l’entreprise de M. de Lamennais comme s’il était de la destinée de l’Imitation, ce livre heureux, de créer des succès a ces traducteurs eux-mêmes, combien n’avons-nous pas souffert de voir le génie éclatant et sombre de l’auteur de l’Indifférence se débattre dans un genre de travail si antipathique à sa nature ! Le parti qu’il a pris d’être simple, en traduisant cette simplicité, l’a fait verser