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mère de tous ceux qu’elle enfanta à la vie religieuse et qu’elle éleva pour les cieux !

Cette Sainte Térèse-là, inconnue, n’est révélée que par sa Vie. A certaines places de ce récit merveilleux où le surnaturel a complètement remplacé la nature, on voit surgir du fond de cette Contemplative, éperdue et perdue dans son Dieu, une raison plus forte que toutes ces flammes, qui met la main sur le cœur qui palpite et dit à ce cœur : « N’es-tu pas ta proie à toi-même ? Tes pensées sont-elles tes pensées ? N’est-ce pas le démon qui t’agite ? N’es-tu donc pas coupable de tant palpiter ? » Et effrayée, humblement et raisonnablement effrayée, elle appelle à soi la Science, la Doctrine, la paternité du Confesseur ; elle y appellerait toute l’Église pour s’attester qu’elle ne se trompe pas ; que ses visions ne sont pas des pièges de l’orgueil. Elle consulte partout et elle s’éprouve, et alors elle écrit les superbes pages de conseil et de précaution qui resteront pour l’instruction des âmes futures engagées sur ces escarpements, ces rebords de la vie spirituelle où tout pas conduit à un sommet, et tout sommet peut conduire à un gouffre. Alors apparaît et s’annonce cette grande conductrice d’âmes qui devait littéralement gouverner du fond de son monastère d’Avila tout un peuple de religieux et de religieuses et déployer dans cette conduite une prudence, une fermeté, une science des obstacles, et enfin un bon sens (ce bon sens, maître des affaires, a dit Bossuet) qu’aucun chef d’État n’eut peut-être au même degré que sainte Térèse, l’Extatique, la Sainte de l’Amour.

Malheureusement, du reste, ce n’est pas dans un livre