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langage, inouï d’humilité, dans le fond, comme il est inouï de simplicité dans la forme.

Allez donc faire comprendre aux âmes du Dix-neuvième Siècle les humilités de la Sainte, qui s’appelle criminelle, elle qui n’a jamais péché mortellement, selon l’Église, et qui l’est à ses yeux, parce qu’elle emprunte un peu de la lumière de Dieu, pour voir l’infinie petitesse des plus grandes vertus. Essayez !

De pitié pour tant de scrupules, le Dix-neuvième Siècle lèvera les épaules, ses épaules chargées d’iniquité, et passera outre, sur ces atomes grossis, comme un aveugle marcherait sur de fines perles, et il sourira de l’innocence de la Sainte, et peut-être de la rouerie paradoxale du critique qui voudrait la faire admirer !!!


IV

C’est que, pour comprendre Sainte Térèse, la suprême beauté morale de Sainte Térèse, il faut avoir au moins la notion de la beauté chrétienne. La profondeur de la pureté ne se révèle qu’aux yeux qui commencent d’être purs, et ils n’y pénètrent qu’en se purifiant davantage.

C’est avoir profité que de savoir s’y plaire,

a dit un poëte de la lecture d’un autre poëte : mais c’est bien plus vrai de la lecture de Sainte Térèse. Le Système du Monde de Laplace n’a qu’un petit nombre de