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elle a vaincu, avec ces deux ou trois mots, l’ironie du peuple le moins romanesque de la terre, et elle a eu pour lui le charme du romanesque ! Elle a été pour lui la personnification traditionnelle de l’amour, et en faveur du substantif, on a excusé l’épithète. On lui a pardonné d’aimer Dieu, en faveur de l’amour ! Même Voltaire, qui a déshonoré Jeanne d’Arc, ne se serait pas moqué de Sainte Térèse ! Même les sales historiens qui ont expliqué par de la pathologie l’héroïsme surnaturel de cette autre Sainte qui n’a encore été canonisée que par la patrie, n’auraient pas osé tacher cette pure lumière qu’on appelle Sainte Térèse ! Même M. Renan, l’ennemi des Saints modernes, n’oserait pas soutenir que le bandeau de Sainte Térèse n’est pas vraiment une auréole. C’est ainsi que la Philosophie, si elle n’est pas charmée, est au moins gênée devant les yeux baissés de l’immaculée Carmélite qui n’est pas seulement la gloire de l’Espagne, mais de la Chrétienté et de l’âme humaine, et aussi de l’esprit humain, et c’est pourquoi, sans aucun doute, dans l’embarras où tant de gloire la jette, elle aime mieux se taire que parler !

Mais, nous, nous parlerons. Sainte Térèse, grâce à la traduction que M. l’abbé Bouix vient de nous donner de ses œuvres complètes, peut être maintenant aussi profondément connue du public français que jusqu’ici elle l’était peu ; et nous désirons qu’elle le soit. Or, si, avec quelques mots, toujours cités quand on parlait d’elle, elle exerçait je ne sais quel irrésistible empire sur les imaginations les plus ennemies, que sera-ce quand on pourra lire et goûter tant d’écrits, marqués à l’empreinte d’une âme infinie, de cette âme qui, sans en excepter personne dans l’histoire de l’