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quelconque, l’existence d’une traduction qui met à sa portée une œuvre littéraire, comptée au premier rang dans la littérature espagnole, et qui de plus lui fait connaître une de ces prodigieuses individualités, comme on dit maintenant, d’autant plus curieuse qu’elle est inexplicable à la sagacité purement humaine de l’Histoire, mais dont, pour cette raison peut-être, l’Histoire aime peu à s’occuper. Probablement, sur un tel sujet, la Critique a pensé comme l’Histoire. Toujours est-il qu’elle s’est tue sur l’ouvrage de M. Bouix, et qu’il est arrivé à la traduction des œuvres de Sainte Térèse ce qui était arrivé à la traduction de la Somme de Saint Thomas d’Aquin. Que voulez-vous dire, en effet, quand on n’en peut pas rire, du travail d’un jésuite sur une Sainte, cette Sainte-là fût-elle sainte Térèse ?

Car, il faut en convenir, Sainte Térèse, par exception, n’a pas été frappée de l’impopularité dédaigneuse ou moqueuse dont sont frappés les autres Saints, dans ce siècle d’impertinentes lumières. On a même des bontés pour elle. Pourquoi ? Qui sait ? D’abord elle est d’Espagne ! Nous nous soucions fort peu, il est vrai, de l’Espagne de Saint Isidore de Séville, de Saint Ignace de Loyola, de la terre catholique d’Isabelle et de Ximnès, mais, en revanche, nous raffolons depuis trente ans de l’Espagne moresque, de l’Espagne des boléros, des fandangos, des basquines et des castagnettes, et c’est, ma foi ! un avantage, même pour une Sainte, que d’être du pays de la marquise d’Amaegui.

Raillerie à part, d’ailleurs, Sainte Térèse, qui n’est guère connue en France que pour deux ou trois mots sublimes, exprime l’amour avec une telle flamme qu’