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qu’on voit partout maintenant, de quelque côté qu’on se tourne, et qu’il nous faut bien appeler par son nom, puisque, aujourd’hui, nous avons à parler de philosophie.

Du reste, ce qui diminuait bien un peu le mérite de la Critique, si bienveillante pour M. de Rémusat et pour son livre, c’est qu’elle devinait à l’avance ce qu’un tel livre devait contenir. La forme scientifique des idées que l’auteur y expose pouvait bien ne pas l’attirer avec puissance, mais ces idées, elle les pressentait. En effet, M. de Rémusat a un passé philosophique comme il a un passé politique, et on les connaît tous les deux. Si dans un temps de scepticisme ou d’éclectisme comme le nôtre, on n’ose pas dire qu’il y ait autre chose dans les têtes affaiblies que des tendances à la place d’opinions, on sait bien au moins à quelles tendances a toujours appartenu la pensée de M. Charles de Rémusat. Cet élégant nourrisson de madame de Staël qui n’a point épuisé sa nourrice, trop jeune du temps du Globe pour s’asseoir sur le canapé doctrinaire, mais qui s’est tenu sur le tabouret d’à-côté, est un de ces esprits non sans mérite, à coup sûr, mais qui manquent de l’espèce d’énergie, nécessaire pour donner un démenti à leur vie et renverser dans leur intelligence des convictions fausses, même quand elles y manquent de profondeur. Par la nature de ses facultés, il était destiné à toujours aller devant soi dans le sens de ses premières pentes. Or, c’est ce qui est arrivé. Le Saint Anselme d’aujourd’hui est bien de la même main qui écrivit l’Abailard, et il y a quelques années, cet Essai de philosophie en plusieurs