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la Chute et qu’on sait à quel degré les idées se tiennent et se commandent, il ne faudrait, sous aucun prétexte, risquer ces mots d’expiation et de rachat, qui feraient, s’il vivait, sourire le terrible Joseph de Maistre, de son sourire le plus cruellement indulgent.

Telle est pour nous cette Profession de foi du XIXe siècle. M. Pelletan nous pardonnera la rigueur de notre critique. C’est un noble esprit, — on le sent bien quand on le lit, — un de ces esprits « qui ne veulent pas être les créateurs, mais les créatures de la Vérité », et c’est pourquoi nous avons dit avec franchise ce que son livre nous a inspiré en le lisant. Quant au talent d’écrivain dont ce livre éclate, il est presque aussi grand que les erreurs dont il est plein. Il est juste de le reconnaître. Mais qu’importera peut-être à l’auteur ? Hélas ! nous savons trop ce que, dans les préoccupations presque religieuses du penseur, devient ce Génie de la forme, qui vous aime et que l’on n’aime plus ! Ingratitude de l’intelligence, éprise de l’abstraction et de la découverte ! elle reste insouciante pour la forme qui la fera vivre et qui emporte l’idée vers l’avenir, sur ses ailes ! Peut-être le style de M. Pelletan est moins pour lui, en ce moment, que sa philosophie, et pour nous, au contraire, le style dans son ouvrage est tout. Certes ! on peut regretter l’emploi de cette plume d’une coloration si ardente que l’on dirait un pinceau, mais on n’en saurait contester l’éclat. II y a plus : avec la sécheresse des âmes de nos jours froids et ternis, nous disons qu’il est impossible à ceux-là qui n’ont point aboli en eux la faculté de l’enthousiasme de ne pas regretter de voir M. Pelletan fourvoyer le sien dans de misérables