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dix-neuvième siècle — doit reposer sur un enchaînement de réalités incontestables et n’avoir rien de vague, rien d’incertain, rien d’obscur. M. Pelletan cache plus d’une obscurité sous la couleur de son style, oriental d’éclat, brillant comme les escarboucles du diadème de Salomon, dont il n’a malheureusement pas la sagesse. Pour prouver aux hommes, même les plus perméables aux influences de la philosophie panthéistique de notre époque, que la solution du problème de l’humanité, c’est son progrès incessant, éternel, sans point d’arrêt et sans défaillance, il faut plus que la conviction éloquemment enflammée du plus brillant des sectaires, ou l’enthousiasme ivre d’un Thériaki.

Nous sommes dupes des mots qu’on répète. Le progrès incessant et éternel de l’humanité ! On entend cela partout, et on l’accepte, comme on accepte tout, à condition de n’y pas trop regarder et de n’y pas trop comprendre. Et pourquoi ne l’accepterait-on pas ? Cela paraît si simple à l’esprit et cela est si doux à l’orgueil ! Mais, allez ! quand on veut élever ce mot à la hauteur d’une démonstration qui force la foi et en moule énergiquement l’expression dans un symbole, il se trouve des difficultés embarrassantes auxquelles tout d’abord on ne pensait pas… Et nous ne parlons pas pour nous, qui n’avons ni dans le cœur ni dans l’esprit la même foi que M. Pelletan ; qui ne pensons pas comme lui, que le progrès soit l’expansion illimitée de toutes les forces passionnées de l’homme, avec toutes leurs excitations et leurs réalisations dans l’État, dans l’Art, dans l’Industrie, dans les mœurs ; mais qui croyons, au contraire, que le progrès,