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et une autorité souveraine pour empêcher tous ces dévergondages d’examen qui ont fini, en Allemagne, par le suicide de la Critique sur les cadavres… qu’elle n’a pas faits, — ou bien il fallait traiter ce terrible sujet, résolument, en homme qui a pris son point de vue de plus haut ou de plus avant que des textes ; comme un philosophe, carré par la base, qui dit fièrement à l’histoire : Tu ments, quand tu n’es pas trompée ; tu es trompée, quand tu ne ments pas ! Mais alors, résultat singulier ! dans le premier cas, une telle histoire, impossible à M. Pelletan, facile peut-être à Bossuet, à Cuvier, à tout grand cerveau généralisateur qui admettrait une révélation, nierait, en détail et en bloc, tout ce M. Pelletan admet comme vrai. Elle nierait le progrès. Elle nierait la perfectibilité indéfinie et cette ascension chimérique de l’humanité on ne sait vers quoi… car le mot n’a pas encore été dit ! Du système de M. Pelletan, il ne resterait pas un atome. Dans le second cas, au contraire, rien de pareil sans doute, mais à quel prix ? à la stricte condition d’avoir établi la foi au progrès sur une théorie assez forte pour démentir l’histoire ou pour se passer de l’histoire, et c’est là précisément ce que M. Pelletan n’a pas fait !

Il n’a été ni assez historien, ni assez philosophe, et il a voulu être l’un et l’autre ; il n’a pas vu que ce double rôle était incompatible ; que sur cette question mystérieuse, mais non impénétrable, de la destinée de l’humanité, l’histoire tuait la philosophie ou que la philosophie tuait l’histoire ! Il n’a pas été assez historien : quoi d’étonnant à cela ? mais il n’a pas été non plus assez philosophe, et ceci étonne davantage ! Sur cette