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les cœurs candides, n’existeront plus, et qui sait ?… le Racine de la poésie italienne, comme l’a osé dire de Silvio cette menteuse de littérature, pour faire sa cour à la politique, le Racine de la poésie italienne ne sera plus peut-être qu’un imbécile, quelque chose de niais et de plat, — un Pradon !

Et, cependant, s’ils disent cela, après tout, qu’importe ! Si Pellico n’est pas Racine, ce sont eux qui l’ont donné pour tel, et si c’est Pradon — ce qui pourrait bien être — qu’importe encore ! Il ne s’agit pas ici de tragédies plus ou moins oubliées et qu’on oubliera tout à fait. Il ne s’agit pas même de littérature. Il s’agit d’un livre, le moins livre des livres, qui, en quelques pages, d’une simplicité infinie, éteint une gloire dangereuse qu’on avait allumée, comme un phare, sur le donjon du Spielberg. Nous n’avons pas à littérairement rendre compte d’un livre qui n’est qu’une action et même une succession d’actions, car c’est une succession d’aveux. Par le ton, par la vie morale qui y circule, par le dédain de tout ce qui n’est pas la vérité de Dieu, ce recueil de lettres est au-dessus de toute critique. Nous avons seulement voulu signaler cette publication, historiquement importante, après le scandale de larmes des Prisons. Nous avons voulu dire d’un homme dont toute la supériorité est dans l’âme, et pour lequel nous avons une affection qu’il nous fallait cacher à cause de ceux qui étalaient la leur pour lui, avec un intérêt perfide : Maintenant que Silvio Pellico n’est plus qu’un chrétien qui baise sa croix et que renient les sociétés secrètes, nous pouvons tout haut l’admirer !