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roux et le coup de corne de bœuf de ce robuste bâtard d’Hegel en démence. La forme de son exposition se recommande aux esprits modérés par je ne sais quelle fausse bonhomie, et jusqu’à son talent d’écrivain, trop empâté pour être mordant, — trop mollusque pour être serpent, — rien n’avertit, et tout rassure, quand il se dit chrétien, comme la plupart des hérétiques, du reste, qui n’ont jamais manqué de se dire chrétiens pour mieux atteindre le christianisme en plein cœur !

La seule originalité de M. Jean Reynaud est d’être, — au dix-neuvième siècle, — bien plus un hérétique qu’un philosophe. Après Diderot qui voulait élargir Dieu, il veut élargir le christianisme. Nous savons bien, — et lui aussi, probablement — ce qui resterait du christianisme, après cet élargissement à la Diderot ; mais pour les simples de cœur et d’esprit qui se laissent pétrir par la main de toutes les propagandes, un tel langage a sa séduction. Les philosophes ont le verbe âpre et haut. Ils ne barbouillent pas et quelquefois ils épouvantent. Spinosa, Voltaire, Hegel, tous ces insectes humains, enivrés de la goutte de génie que Dieu leur versa dans la tête et qu’ils ont rejetée contre Dieu, jouent leur rôlet de Titans-Myrmidons jusqu’au bout et visière levée. Même quand Voltaire se fait capucin, il rit, le sacrilège ! mais il ne trompe pas, tandis que M. Jean Reynaud, le théologien de contrebande, qui part du pied gauche aujourd’hui pour demander, — comme le pieux et pur Saint Bonnet, — que la théologie se relève dans l’opinion et les études du dix-neuvième siècle, ne rit pas et ne nous fait pas rire, mais il pourrait bien nous tromper !